
APOGÉE DE L’EMPIRE…MAIS DÉSERT DES LETTRES LATINES !
Extrait de « Approche de la littérature latine, des origines à Apulée » de Jacques GAILLARD, éd. Nathan-Université. Page 115- 116.
Après Trajan, la disparité culturelle de l’empire apparaît de façon de plus en plus nette entre un Occident très « romanisé » et un Orient dont l’hellénisme constitue un pôle attractif éblouissant. On sait quelle fascination lyrique cette culture exerça sur Hadrien, et l’on voit Marc-Aurèle écrire ses Pensées en grec. Dans ces conditions, tandis qu’avec Plutarque, Épictète, Lucien de Samosate, les historiens Appien et Dion Cassius, les lettres grecques retrouvent une étonnante vigueur, la littérature latine fléchit, et tend à s’appauvrir.
Les Vies des Douze Césars de Suétone marquent, en tout cas, la volonté d’en finir avec le cauchemar d’une dynastie maudite. De César à Domitien, ces biographies ne laissent dans l’ombre aucun vice public ou caché des hommes qui gouvernèrent Rome. En fait, Suétone ( né vers 75, mort vers 160) n’est pas un historien. C’est un fureteur de bibliothèques, qui exerça ce talent à tort et à travers dans une foule de traités dont nous avons perdu l’essentiel. Il avait même écrit, ce qui est le comble de l’encyclopédisme, un livre intitulé De rebus variis, titre étonnant que l’on pourrait traduire par : « À propos de tout ». Cela témoigne d’une grande curiosité _ mais n’implique pas un grand talent littéraire.
Pourtant, Suétone n’est pas un mauvais écrivain. Dans sa revue des empereurs, il ne manque pas de pénétration psychologique et choisit de s’exprimer avec sobriété pour dresser ses portraits sans complaisance aucune. Il collectionne les bons mots, les citations, les anecdotes ( certaines sont croustillantes), classe bien régulièrement les résultats de son enquête ( toutes les biographies suivent exactement le même plan) et ne cherche absolument pas à interpréter philosophiquement la conduite ou la politique des personnages. Les considérations éthiques, parfois envahissantes dans la littérature latine, sont ici laissées sur le palier. En quelque sorte, Suétone fait la « phénoménologie » brute d’un siècle de pouvoir impérial, et on le lit sans déplaisir.
Le travail complet, « Néron », Textes retenus, juxtalinéaires et traductions, commentaires, in Au Cours du cours de Latin.
