
Bucoliques: églogue 4, » Pollion », vers 18 _45
« Muses de Sicile, élevons un peu le sujet de nos chants : tous n’ aiment pas les vergers et les humbles tamaris; si nous chantons les bois, que les bois soient dignes d’un consul… »
Il s’agit donc ici de la prédiction par le narrateur ( Virgile) d’ un retour de l’âge d’or.
Juxtalinéaire:
At tibi, puer, Et pour toi, mon enfant,
nullo cultu, sans avoir été cultivée
tellus fundet, la terre répandra
prima munuscula, en guise de premiers petits cadeaux,
errantes heredas passim, des lierres qui s’égarent de tous côtés
cum baccare, avec le baccar
mixtaque colocasia, et la colocasie mêlée
ridenti acantho, au riant acanthe;
ipsae domum referent capellae
d’ elles-mêmes les chevrettes rentreront à la maison ( au bercail)
lacte distenta ubera;
leurs mamelles distendues par le lait;
Nec armenta metuent
et les troupeaux ne craindront pas
magnos leones;
les grands lions;
ipsa cunabula
de lui-même ton berceau
tibi blandos fundent flores.
regorgera de fleurs superbes.
Occidet et(iam) serpens,
Même le serpent mourra,
et fallax herba veneni occidet.
et mourra la plante au poison trompeur ( trompeuse par le poison)
Assyrium vulgo nascetur amomum, Partout naîtra l’amome assyrien.
At simul jam legere poteris, Et aussitôt que tu pourras lire
heroum laudes, les exploits des héros
et facta parentis, et les hauts-faits de ton père,
et cognoscere ( poteris), et apprendre
quae sit virtus, ce qu’est le courage,
paulatim flavesceret campus, peu à peu blondira la plaine
molli arista, sous les épis moëlleux,
incultisque sentibus, et dans les buissons laissés à l’abandon
rubens uva pendebit, la grappe rouge pendra
et durae quercus sudabunt, et les robustes chênes distilleront
roscida mella, une rosée de miel.
Pauca tamen vestigia, Toutefois quelques traces
priscae fraudis, du vieux crime
suberunt, subsisteront,
quae jubeant, qui pousseront (les hommes)
temptare Thetim ratibus, à attaquer Thétis avec leurs vaisseaux,
quae ( jubeant) qui (les pousseront)
cingere muris oppida, à ceindre de murailles les bourgs,
quae ( jubeant), qui (les pousseront)
infidere telluri sulcos. à creuser des sillons dans la terre.
alter erit tum Tiphys, Il y aura alors un autre Tiphys,
et altera Argo, et une autre Argo,
quae vehat delectos heroas, pour transporter les héros choisis;
erunt etiam altera bella, il y aura aussi d’autres guerres,
atque iterum ad Trojam, et à nouveau vers Troie,
magnus Achilles mittetur. on enverra le grand Achille.
Hinc, ubi jam firmata aetas, Alors, dès qu’un âge désormais affirmé
virum te fecerit, aura fait de toi un homme
cedet et ipse mari vector, le transporteur de lui-même renoncera à la mer;
nec nautica pinus, et le pin nautique ( le bateau de pin)
mutabit merces, n’ira plus échanger de marchandises:
omnis feret omnia tellus, Toute la terre produira tout.
Non rastros patietur humus, le sol ne souffrira plus de la bêche,
non vinea falcem ( patietur) , ni la vigne de la faux,
robustus quoque arator, le solide laboureur même
jam tauris juga solvet, délivrera ses taureaux du joug;
nec lana discet mentiri, et la laine cessera de chercher à imiter
varios colores , les couleurs variées,
sed ipse in pratis aries , mais le bélier de lui-même dans les prés,
mutabit vellera, changera sa toison
jam suave rubenti murice, tantôt en un doux pourpre-roux,
jam croceo luto, tantôt en un jaune safran,
sponte sua, spontanément,
sandyx vestiet , la couleur rouge vêtira
pascentes agnos, les agneaux qui paissent.
Bucoliques : Septième églogue: « Autre joute », vers 21 – 44.
Dans la symétrie de la construction du recueil, cette joute fait écho à celle de la troisième églogue: » Une joute ».
Mélibée :
Lors , chantant tour à tour s’ouvrit entre eux la joute;
tour à tour _ et la Muse a fait qu’il m’en souvienne_
L’un, Corydon, prélude et Thyrsis lui répond. » ( vers 18-20)
CORYDON: Corydon
Nymphae Libethrides, noster amor, Nymphes de Libéthros, nos amours,
aut mihi concedite, accordez-moi
carmen quale meo Codro, un chant pareil à ceux de mon cher Codrus
( proxima Phoebi versibus ille facit), ( il en compose de tout proches des vers de Phébus),
aut, si non possumus omnes, ou bien, si nous ne le pouvons tous,
hic arguta pendebit fistula, ma flûte expressive pendra ( = j’accrocherai ma flûte sonore)
sacra pinu. au pin sacré.
THYRSIS : Thyrsis
Pastores, Bergers,
hedera ornate, parez de lierre
nascentem poetam, le poète naissant
Arcades, Arcadiens,
ut ilia Codro, pour que les flancs de Codrus
invidia rumpantur ! en crèvent de dépit !
aut, si ultra placitum laudarit, ou bien, s’il (Codrus) m’a loué au-delà de ce qui plaît (outrageusement)
baccare frontem cingite, ceignez mon front de baccar,
ne noceat mala lingua, de peur que sa méchante langue ne porte préjudice
vati futuro, au poète futur.
COR: Corydon
Hoc tibi parvos Micon, Petit Micon t’offre
saetosi caput apri, la tête d’un sanglier hirsute,
Delia, Délia,
et ramosa vivacis cornua cervi, et la ramure ( bois cornus) d’un cerf au grand âge.
Si proprium hoc fuerit, Si cela m’est possible,
tota stabis, tu te dresseras ,
levi de marmore tout en marbre poli,
puniceo suras evincta coturno. les jambes serrées par les courroies d’un cothurne pourpre.
THY: Thyrsis
Sinum lactis et haec te liba quotannis,
Reçois en libation tous les ans, une jatte de lait et ces gâteaux,
Priape, Priape,
exspectare sat est:
c’est tout ce que tu peux attendre !
custos es pauperis horti. tu es le gardien d’un pauvre jardin.
Nunc pro tempore, Jusqu’à présent,
te marmoreum fecimus; nous t’avons représenté en marbre
at si fetura gregem suppleverit, mais si des petits repeuplent notre troupeau,
tu aureus esto. sois d’or !
Notes : cette offrande de la flûte à l’arbre consacré à Pan signifierait l’abandon de la musique.
laudarit= laudaverit ( crase poétique / baccar : plante dont on tirait un parfum./ parvos = parvus
COR: Corydon
Nerine Galatea, Fille de Nérée, Galatée,
mihi dulcior, plus douce pour moi
thymo Hyblae, que le thym de l’Hyblas,
candidior cycnis, plus blanche que les cygnes,
formosior hedera alba, plus belle que le lierre pâle,
cum primum pasti tauri, dès que les troupeaux repus
repetent praesepia, regagneront leurs étables
si qua cura te habet, si tu as de l’amour encore
tui Corydonis, pour ton Corydon
venito ! viens! ( = tu viendras !)
THYR: Thyrsis
Immo ego videar tibi, Que moi, au contraire, je te paraisse
Sardoniis amarior herbis, plus amer que les herbes Sardes,
horridior rusco, plus rugueux que le petit-houx,
vilior projecta alga, plus vulgaire que l’algue échouée,
si haec lux , si ce jour
mihi non est jam longior, ne m’est pas plus long
toto anno , qu’une année tout entière,
ite domum pasti juvenci, allez à la maison, mes taureaux repus,
si quis pudor, si vous avez encore un peu de honte,
ite ! Allez !
Notes : la Délienne = Diane / sat est = satis est
FIN