TEXTE 2:
Acte I, Phèdre, la nourrice
Tirade de Phèdre, vers 85-128
Traduction en juxtalinéaires .
Phaedra : vers 85-91
Ô magna Creta dominatrix freti, ô grande Crète, maîtresse de la vaste mer,
CUJUS innumerare rates dont les innombrables navires
per omne litus, sur tous les rivages
tenuere pontum, occupent la haute mer,
quicquid Nereus, partout où Nérée
pervium rostris secat , tenus Assyria tellure, taille, à leur proue, une route sûre jusqu’à la terre d’Assyrie,
CUR , obsidem datam in penates invisos, pourquoi, livrée en otage à d’odieuses pénates
hostisque nuptam, et mariée à l’ennemi,
cogis degere aetatem in malis lacrimisque ? me contrains-tu à consumer ma vie dans les malheurs et les larmes ?
vers 90- 95
En Theseus profugus conjux abest , tiens ! Thésée mon époux est absent
praestatque nuptae quam solet fidem. et répond à son épouse de sa fidélité habituelle !
Fortis miles audacis proci, en soldat courageux d’un amant audacieux,( Hercule)
vadit per altas tenebras, il marche à travers les profondeurs ténébreuses
invii retro lacus d’un lac d’où l’on ne revient pas ( au retour impossible)
UT abstrahat revulsam pour arracher l’ enlevée ( Proserpine)
solio regis iferni. au trône du roi des Enfers. ( Pluton)
vers 96- 103
Socius furori , pergit, complice d’un furieux il va jusqu’au bout
haud timor pudorque illum tenuit : ni la crainte sacrée ni la pudeur ne l’ont retenu :
_Hippolyti pater Acheronte in imo quaerit , le père d’Hippolyte cherche dans les profondeurs de l’Achéron
stupra et illicitos toros ; le stupre et l’adultère ( les couches illicites) ;
sed major alius dolor mais une autre douleur, pire ( encore),
incubat maestae. s’étend sur ma peine.
Non quies nocturna, ni repos nocturne,
non altus sopor me solvere curis ; ni sommeil profond ne m’ont délivrée de cette peine ( de coeur) ;
alitur et crescit malum et ardet intus ; mon mal se nourrit et croît (et) brûle au fond de moi
qualis vapor Aetnao exundat antro , comme la lave se répand du gouffre de l’Etna;
vers 103- 111
Palladis telae vacant, le métier à tisser de Pallas reste vacant
et labuntur pensa inter ipsas manus, et ( le travail de ) la laine s’échappe de mes mains mêmes ;
non libet colere templa donis votivis, il ne me plait plus d’honorer les temples d’offrandes ( votives),
non inter aras, ni entre les autels,
mixtam Atthidum choris, mêlée aux choeurs des Athéniennes,
jactare conscias faces sacris, d’agiter les torches d’initiées lors de dévotions secrètes,
nec adire castris precibus, ni de m’adresser dans de chastes prières
aut ritu pio, ou dans un rite pieux
praesidem deam, à la déesse protectrice
adjudicatae terrae, de l’endroit qui lui a été attribué :
juvat consequi cursu , j’aime ( au contraire) poursuivre à la course
excitatas feras, les fauves excités
et molli jaculari manu, et de ma faible main, lancer
rigida gaesa. les javelots rigides.
vers 112- 120
Quo tendis anime ? Où vas-tu , mon coeur ?
quid furens saltus amas, pourquoi, démente, aimes-tu les bois ?
Agnosco fatale malum miserae matris , je reconnais bien le mal fatal de ma mère infortunée ;
noster amor novit in silvis peccare , notre amour a appris des forêts ( = dans les forêts) à commettre ses fautes.
Genetrix ! tui me miseret ! (Ah !) Mère ! je te plains !
infando malo correpta, rongée d’un mal funeste,
audax amasti efferum ducem pecoris saevi , tu as osé aimer (= audacieuse, tu as aimé)le chef farouche d’un sauvage bétail ;
torvus,impatiens jugi, menaçant, rebelle au joug,
adulter ille, ductor indomiti gregis, cet amant, conducteur d’un troupeau indomptable,
_ sed amabat aliquid. _ au moins aimait un peu (= en quelque chose).
QUIS deus aut QUIS Dedalus, quel dieu, ou quel Dédale
juvare queat meas flammas, pourrait favoriser ma flamme,
miserae ? infortunée ? ( = de l’infortunée que je suis ?)
vers 121- 128
Si ille remeet, même s’il revenait
arte Mopsopia potens, ce maître d’art de Mopsopie (= de l’Attique),
QUI conclusit caeca domo nostra monstra, qui dans un lieu obscur enferma notre monstre,
non…promittet ullam opem casibus nostris , il ne pourrait promettre aucun aide à mes maux.
Venus perosa stirpem Solis invisi, Vénus qui abhorre la race odieuse du Soleil,
vindicat per nos catenas Martis sui suasque , venge sur nous, les chaînes où fut pris son Mars bien-aimé avec elle, ( = et les siennes propres),
probris nefandis, par d’abominables opprobres,
omne Phoebeum genus onerat , elle accable toutes la race sortie de Phébus :
nulla Minois defuncta , aucune ( femme) de la descendance de Minos
levi amore est, n’éprouve un doux amour,
jungitur semper nefas. toujours elle s’unit dans le sacrilège.
FIN
NB : Les mots en caractères gras dans le texte latin, indiquent sa structure syntaxique.
Geneviève Moreau-Bucherie